Tour de l’espoir : novembre 2017

Arrivé au sommet de la Tour de l’espoir, je retiens mon souffle en admirant la vue sur la cathédrale Saint-Boniface, où est enterré le chef métis Louis Riel, et je m’émerveille devant l’histoire millénaire de La Fourche, au confluent de deux puissantes rivières qui émeuvent mon esprit. Pendant un petit moment, je regarde vers l’ouest et j’imagine que je remonte le courant de l’Assiniboine jusqu’à sa source, dans les anciennes vallées glaciaires de la Saskatchewan. Puis mes pensées se laissent emporter par le flot de la rivière Rouge, et je rêve du lac Winnipeg et de la baie d’Hudson.

Telles étaient mes songeries à la fin d’une récente visite au Musée canadien pour les droits de la personne à Winnipeg. Il faut dire que, si j’étais particulièrement sensible à la beauté du monde, c’était parce que j’avais passé tout le matin à me promener dans les différentes galeries du musée et que la collection m’avait parfois inspiré, parfois bouleversé. En effet, j’avais parcouru des milliers d’années d’évolution de la dignité humaine et découvert la perspective des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Au Jardin de la contemplation, entouré de rochers volcaniques provenant de la Mongolie, j’avais pris le temps de réfléchir à tout ce que j’avais vu jusqu'à ce moment et j’avais eu honte de l’Holocauste et des autres génocides de notre histoire, une honte profonde et douloureuse, comme si, en tant qu’être humain, j’en étais en partie coupable. Dans mon parcours, j’avais aussi pris conscience des avancées et des erreurs du Canada au fil de son cheminement vers de plus grandes libertés individuelles et sociales.

Comme cette visite suivait de peu le discours que j’avais prononcé lors de l’inauguration officielle de l’année scolaire le 12 octobre, mes propres mots me revinrent soudain en tête, même s’il était vrai qu’ils prenaient à ce moment-là un sens plus particulier que je ne saisissais pas encore. Lors de la réception, j’avais évoqué la rentrée scolaire, qui s’était déroulée dans la joie, en projetant un diaporama avec des photographies d’enfants souriants. En outre, j’avais fait le bilan des douze premiers mois de mise en œuvre de notre nouveau projet d’établissement. Plus important encore, j’avais détaillé la philosophie et vision de notre école, selon lesquelles nos élèves « contribuent avec conviction au progrès du monde ».

De fait, l’un des objectifs de mon propos consistait à analyser l’impact que notre institution avait eu depuis sa création. Première école bilingue du pays, fondée en 1962, TFS a non seulement inspiré le système d’immersion linguistique au Canada, mais elle a également contribué de manière plus générale au développement de la conscience nationale canadienne d’aujourd’hui, qui valorise les deux langues officielles à parts égales. Ce point me rappelle une expérience personnelle très récente. Alors que j’assistais à l’hommage rendu par le TSO au pianiste torontois Glenn Gould, j’ai pu constater que l’animateur de la soirée, Colm Feore, passait sans peine de l’anglais au français tout au long de l’événement. Qui plus est, la majorité du public semblait comprendre ses remarques et ses plaisanteries, quelle que fût la langue dans laquelle il s’exprimait. Si j’étais ravi et fier de cela, c’est parce que j’étais conscient que, sans le rôle historique joué par notre école dans la promotion du bilinguisme, cette fabuleuse soirée au Roy Thomson Hall n’aurait sans doute pas été la même.

Outre le bilinguisme, quelle sera la contribution de TFS à la société un siècle après sa fondation ? Il est toujours périlleux de prédire l’avenir, mais je m’attends à ce que notre influence future soit étroitement liée à l’esprit citoyen. Il s’agit là d’un concept classique qui est en train d’être revu par de nombreuses institutions du monde entier, depuis le Ministère de l’éducation nationale de France jusqu’à l’Université Columbia. Lors de sa conférence au Palais des congrès de Toronto en septembre dernier, le président Barack Obama, qu’un de nos parents d’élève a présenté à un public de plus de 3 000 personnes, a parlé de l’engagement citoyen comme d’un élément essentiel pour renforcer nos systèmes démocratiques et, plus généralement, pour améliorer la condition humaine. De même, son Excellence la très honorable Julie Payette, ancienne astronaute qui vient d’être nommée gouverneure générale du Canada, a comparé notre planète à un vaisseau spatial que nous partageons, expliquant que notre succès et notre survie dépendent de notre volonté de collaborer dans la poursuite du bien commun.

Je suis heureux d’affirmer que notre école se positionne en tant que chef de file de ce nouveau mouvement d’ampleur mondiale. En effet, nous plaçons l’esprit citoyen au cœur même de notre enseignement et nous le relions directement aux trois piliers stratégiques que sont l’ambition scolaire, l’épanouissement complet et la perspective internationale. Notre concept de citoyenneté comporte une grande variété de caractéristiques uniques. Nous attendons des citoyens de TFS qu’ils fassent preuve de curiosité intellectuelle dans la recherche du savoir et qu’ils s’efforcent à transformer les défis en occasions d’apprentissage. Nous attendons des citoyens de TFS qu’ils s’engagent dans une éducation polyvalente qui leur permette de prendre conscience de leurs droits et responsabilités, de voir au-delà des perfidies des populismes de toutes sortes et de participer plus efficacement à la vie publique. Enfin, nous attendons des citoyens de TFS qu’ils entretiennent une perspective universelle en devenant plurilingues pour se familiariser avec différentes visions du monde, en adoptant un esprit interculturel afin d’apprendre de traditions autres que la leur et en s’impliquant dans la noble tâche qui consiste à chercher des solutions mondiales à des problèmes planétaires.

C’est là que réside notre force en tant qu’institution. Du simple fait d’appartenir à la « cité » de TFS, nos élèves se préparent, parfois même à leur insu, à rejoindre la cité planétaire pour ainsi pouvoir contribuer à ses progrès. À mon sens, le rôle de l’éducation consiste précisément à outiller les jeunes afin qu’ils soient capables d’effectuer naturellement cette transition du local au mondial. C’est pour cela que nous devons les encourager à faire leurs expériences dans le milieu protégé qu’est notre école, de manière à ce qu’ils acquièrent le savoir, les compétences et les attitudes dont, adultes, ils auront besoin. Ainsi, ils sauront se débrouiller et en même temps feront progresser notre société.

Je comprends maintenant pourquoi mes propos lors de l’inauguration de l’année scolaire me sont revenus à l’esprit lors de ma visite au Musée canadien pour les droits de la personne. En fin de compte, l’éducation représente le seul moyen dont nous disposons pour surmonter les erreurs du passé et envisager un avenir meilleur. Certes, le progrès humain n’évolue pas de façon linéaire et il reste toujours fragile, mais c’est justement pour ces raisons que nous devons considérer notre école comme une Tour de l’espoir symbolique à une croisée importante du chemin de la vie. Si nous agissons tous pour le mieux, nos enfants œuvreront à devenir de bons citoyens capables de contribuer décidément à l’épanouissement de l’humanité, à l’instar des rivières qui coulent des montagnes et qui, en bifurquant vers le nord, fécondent la terre en quête de lacs et de baies idylliques.
 
Tel est le pouvoir de la conviction. Tel est le pouvoir de la jeunesse.

Dr Josep L. González
Chef d’établissement
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